Ostéopathie pédiatrique : une analyse biaisée au service d’une opinion, pas de la science

Décryptage d’une prise de position fragile, portée par des experts aux conflits d’intérêts non déclarés


Introduction : quand le débat scientifique dérape dans les médias

Le 25 avril 2025, le journal Le Monde publie un article au titre choc :

« Ostéopathie pour les nourrissons : alerte sur une pratique en hausse ».

Derrière ce titre alarmiste, le contenu relaie sans nuance le communiqué de la Société Française de Pédiatrie (SFP), qui appelle à contre-indiquer l’ostéopathie pédiatrique, qualifiée de « manipulation au mieux inutile ».

Face à ces affirmations, il est légitime de se demander :
Que dit réellement la science ? Sur quelles bases repose cette prise de position ? Et pourquoi une telle caricature persiste-t-elle dans le débat public ?

Dans cet article, je vous propose un décryptage point par point de cette polémique, pour que chacun puisse se faire une idée éclairée.


1. Deux études, beaucoup de raccourcis

Le communiqué de la SFP s’appuie principalement sur deux études scientifiques pour justifier une contre-indication générale de l’ostéopathie pédiatrique :

  • Une étude sur l’allaitement, qui utilise comme critère principal l’allaitement exclusif à 12 mois. Or, ce critère est influencé par une multitude de facteurs sociaux, psychologiques, économiques… bien au-delà d’une éventuelle prise en charge ostéopathique.

  • Une étude sur la prévention des déformations positionnelles du crâne (plagiocéphalie), dont la méthodologie interroge : 14 bébés sur 30 du groupe témoin (non censés recevoir d’ostéopathie) ont pourtant bénéficié de soins ostéopathiques hors protocole. Ce biais majeur remet en question la validité même de l’essai.

Sur cette base méthodologique contestable, la SFP généralise une condamnation globale de toute l’ostéopathie pédiatrique. Une démarche étonnante… et scientifiquement fragile.


2. « Aucune preuve » : une affirmation trompeuse

Contrairement à ce qu’affirme le communiqué, il est faux de dire qu’il n’existe « aucune preuve » concernant l’intérêt de certaines approches ostéopathiques chez le nourrisson.

De nombreuses publications apportent des éléments de réponse sérieux :

  • Faible sinistralité démontrée par plusieurs revues systématiques (De Marsh, Posadzki, Franke).

  • Efficacité spécifique des techniques crânio-sacrées dans la prise en charge des plagiocéphalies (Blanco-Diaz, Bagagiolo).

  • Aucun effet secondaire majeur recensé dans ces études.

Bien sûr, comme dans tout champ de recherche jeune, le niveau de preuve pourrait (et doit) être amélioré. Mais affirmer qu’il n’y a « rien », c’est refuser de regarder les données disponibles. C’est entretenir une forme de désinformation, précisément au nom de la lutte contre la désinformation.


3. Manipulation ou mobilisation ? Un glissement sémantique dangereux

Un des biais majeurs de cette prise de position réside dans une confusion volontaire entre manipulation et mobilisation.

  • Manipulation (HVLA) : techniques à haute vélocité, rarement voire jamais pratiquées chez les nourrissons.

  • Mobilisation douce, travail myofascial, techniques crânio-sacrées : ce que pratiquent l’immense majorité des ostéopathes pédiatriques formés sérieusement.

Entretenir la confusion entre ces deux types de techniques, c’est alimenter une peur injustifiée. Cela revient à agiter l’épouvantail de la « manipulation dangereuse »… alors que les praticiens compétents utilisent des techniques parfaitement adaptées, respectueuses et sécuritaires.


4. Un conflit d’intérêts qui interroge plus que les preuves

Parmi les intervenants cités par Le Monde, on retrouve Pascale Mathieu, actuellement présidente du Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes.

Son nom n’est pas étranger à ce genre de polémique. Depuis des années, Pascale Mathieu affiche une hostilité systématique envers l’ostéopathie, multipliant les prises de parole à charge dans les médias. Cette attitude alimente depuis longtemps une vieille opposition entre kinésithérapeutes et ostéopathes… une opposition largement dépassée sur le terrain par les professionnels eux-mêmes, qui collaborent chaque jour dans l’intérêt des patients.

Le problème n’est pas d’avoir un avis. Le problème, c’est de s’exprimer comme une autorité scientifique sur un sujet que l’on ne pratique pas, sans formation dans la discipline concernée, tout en entretenant un conflit d’intérêts manifeste.

Peut-on encore parler d’analyse objective lorsque l’on répète les mêmes clichés depuis vingt ans, sans tenir compte des avancées, des études récentes, ni des réalités de terrain ?


5. Ce que les parents doivent savoir : sortir du bruit pour revenir au soin

L’ostéopathie pédiatrique n’a jamais prétendu se substituer à la médecine pédiatrique ni aux autres professions de santé. Elle propose une approche complémentaire, fondée sur l’écoute du corps, la douceur, et le respect des indications.

Ce que montre la littérature, c’est avant tout une excellente sécurité des soins. Et des résultats encourageants dans certaines indications spécifiques, qui méritent d’être explorés davantage par la recherche, pas d’être balayés par des jugements idéologiques.

Plutôt que de diaboliser une profession entière à coup de déclarations alarmistes, il serait plus sain d’encourager :

  • La poursuite des recherches cliniques de qualité.

  • Le dialogue entre professionnels de santé, dans l’intérêt des nourrissons.

  • L’information éclairée des familles, sans peur inutile, mais avec rigueur.


Conclusion : entre science et guerre d’ego, choisir la nuance

Critiquer une discipline est légitime. Débattre est sain. Mais quand la critique oublie la nuance, déforme les faits et alimente une guerre de territoire, elle devient contre-productive.

La santé des nourrissons mérite mieux que des slogans.
Elle mérite du sérieux, de la curiosité, de l’honnêteté intellectuelle.
Elle mérite qu’on pose les bonnes questions, sans juger avant d’avoir vraiment regardé.

Pour aller plus loin : Ostéopathie pédiatrique et bonnes pratiques

Si ce sujet vous interpelle et que vous souhaitez comprendre comment se déroule concrètement une consultation ostéopathique avec un nourrisson — dans le respect des bonnes pratiques, du cadre légal et avec une attention particulière à la sécurité de l’enfant — je vous invite à consulter mon précédent article :
👉 L’usage du carnet de santé en ostéopathie pédiatrique : bonnes pratiques pour les nourrissons (2024)

Cet article présente :

  • L’importance d’une anamnèse complète et documentée.

  • Le rôle central du carnet de santé dans la traçabilité et la coordination des soins.

  • L’engagement éthique et juridique de l’ostéopathe dans la prise en charge des nourrissons.

  • L’approche interprofessionnelle indispensable à une prise en charge globale et sécuritaire.

Parce que l’ostéopathie pédiatrique sérieuse, respectueuse et bien formée, ce n’est pas ce que certains caricaturent dans les médias. C’est un engagement quotidien auprès des familles, fondé sur l’écoute, la douceur, la compétence… et le respect du cadre.

Merci à Joseph KALLEL (membre de Ostéopathe de France) et sa vision que je partage.

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